Au fil de l'eau
Les rivières du Lauragais sont nombreuses mais chacune est de médiocre importance tant par sa longueur que par son faible débit. Leur connaissance est cependant fondamentale pour étudier les problèmes d'alimentation en eau potable de la population lauragaise, comprendre les difficultés surmontées pour mettre en place un réseau d'irrigation pour l'agriculture de la plaine de Castelnaudary-Bram, ou pour mesurer le génie de Pierre Paul Riquet qui conduit les eaux de la Rigole jusqu'à Naurouze. C'est en effet, avec de l'eau lauragaise que fonctionne en partie le canal du Midi.
Deux bassins - versants : Atlantique et Méditerranée
Le trait le plus
original du réseau des rivières est sa division en deux grandes
parties. Certaines sont tributaires de la Garonne et de l'Océan Atlantique,
d'autres se dirigent vers l'Est, vers l'Aude et la Méditerranée.
Une ligne de partage des eaux de direction sud-nord débute à
Hounoux (au sud de Fanjeaux). A Fanjeaux, elle adopte un cours est-ouest jusqu'à
Baraigne (ce village est sur le versant méditerranéen). A Naurouze,
elle est sud-nord puis s'incurve vers l'est à partir des Cassés,
gagne la montagne noire, devient est-ouest. Le Sor est sur le versant atlantique
ainsi qu'Arfons ; la forêt de Ramondens est sur le versant méditerranéen.
Les principales rivières du versant atlantique sont la Hize, l'Hers
mort et ses nombreux petits affluents, surtout de rive droite : la Ganguise,
le Marés, la Marcaissonne, la Seillonne, la Saune, la Sausse, le Girou.
Le Sor se jette dans l'Agout à Vielmur. Du côté méditerranéen,
le Fresquel reçoit à droite le Tréboul, à gauche
les torrents descendant de la Montagne noire, l'Argentouire, le Limbe, le
Rieutort, la Bernassonne, le Lampy, l'Alzeau.
En naviguant sur l'Hers mort
L'Hers
mort prend sa source près de Fonters du razés. Ce toponyme se
divise en deux parties. Font signifie fontaine et Ers signifie source. Tout
près, il faut voir la chapelle romane du cimetière de Saint
Cristol avec de très belles arcatures lombardes. Salles sur l'Hers
est une bastide, c'est-à-dire une ville neuve, fondée par Alphonse
de Poitiers vers 1250. A Saint Michel de Lanes, on voit une série de
stèles discoïdales dans le cimetière. Entre Renneville
et Gardouch, l'Hers se glisse par un aqueduc sous le Canal du Midi. Villefranche
est une autre de ces bastides du XIIIème siècle. La rivière
se faufile ensuite dans une gouttière, sorte de large fossé
de 1500 à 2000 mètres qui s'étire jusqu'à Toulouse.
Cette gouttière est un couloir à pente longitudinale très
faible, aussi était-ce un immense marécage boisé, une
forêt de plusieurs milliers d'hectares. le défrichement commença
avec l'action de Catherine de Médicis, notre comtesse de Lauragais.
C'est surtout à partir de 1710 que l'Hers est canalisé par des
travaux qui durèrent 50 ans environ. Il a ainsi pris l'allure d'un
fossé au tracé rectiligne. Les derniers travaux d'élargissement
sont très récents (1975). Cette gouttière est l'axe majeur
du Lauragais par les voies de communication. La voie romaine d'Aquitaine (Ier
siècle av. J.C.) correspond en gros à la nationale 113 jusqu'à
Castelnaudary puis la voie empruntait l'axe Pexiora, Bram puis Carcassonne.
Le Canal du Midi la suit en 1681, le chemin de fer en 1857, l'autoroute en
1975. A Baziège, nous évoquerons un village à l'histoire
bi-millénaire depuis la vieille cité gallo-romaine de Badera,
son célèbre marché au sel de l'an 1000 et ses énormes
silos à blé. A partir de Baziège, les villages sont perchés
sur des collines pour fuir les crues dévastatrices de la rivière.
L'Hers se jette dans la Garonne au nord de Saint Jory, à hauteur d'Ondes.
Le long des berges du Girou
Le Girou naît
du côté de St Félix. Un petit affluent, la Vendinelle,
nous permet de remonter jusqu'à une église romane isolée
dans un vallon : Notre Dame de Noumérens qui a conservé un très
beau chrisme (monogramme du Christ) sur un linteau de porte. Le fond de la
vallée du Girou est très fertile avec de belles cultures de
blé, de colza, de tournesol. La présence de nombreux châteaux
du XVIème siècle témoigne de la culture du pastel. On
observe, de nos jours, de nombreux mûriers le long des routes, des allées
conduisant aux châteaux et ces restes semblent évoquer une éducation
massive des vers à soie. Mais à quelle époque ? Bourg
Saint Bernard a conservé une très belle église du pastel
(du gothique méridional). Le souvenir de Saint Bernard persiste dans
les ruelles médiévales de la cité lorsque, chassé
de Verfeil en 1145, il vint prêcher au Bourg.
Verfeil, gros village a lui aussi conservé une atmosphère mé-diévale
avec son énorme forteresse, son église gothique.
Ami voyageur, prenez la route de Lavaur pour visiter le cimetière familial
de Saint Sernin des Rais où reposent Camille et Madeleine, les Petites
Filles Modèles de la comtesse de Ségur.
En voguant sur la Vixiège
Dans le sud Lauragais,
la Vixiège prend sa source près d'Hounoux, se dirige vers Fanjeaux
puis droit vers l'ouest, jusqu'à Belpech. Une première étape
s'impose à Fanjeaux, un des plus hauts lieux historiques du Lauragais
avec Saint Dominique, la noblesse cathare, les troubadours. Un de ces derniers
est originaire du lieu : Guilhem de Durfort. Saint Dominique a été
curé de Fanjeaux de 1206 à 1214 et vivait alors dans sa maison
du Seignadou. Le monastère de Prouille au bas de la colline a été
fondé en 1206 pour les femmes cathares repenties. Une très belle
église gothique (fin du XIIIème siècle) avec à
l'intérieur la poutre témoin du miracle du feu. Du côté
de la Hille, on peut voir un très beau pigeonnier.
En glissant vers l'ouest, voici Ribouisse, une bastide avortée. Lafage
et la chapelle des Cazazils avec un clocher mur peigne. A Plaigne, un sarcophage
gallo-romain dans l'église, des stèles discoïdales, un
autre clocher peigne, une commanderie des Hospitaliers. Enfin, arrêtons
nos pas à Belpech, capitale d'un micro pays : le Garnagués,
mais aussi centre commercial important et lieu de construction d'une énorme
cathédrale de ciment, la coopérative céréalière.
L'église gothique abrite de nombreuses stèles discoïdales
et un bijou architectural : le portail roman, le plus beau du Lauragais avec
Saint Pierre et le martyre de St Saturnin. Sur la Vixiège, un moulin
à eau fort bien conservé, le moulin de la Jalousie.
Le Fresquel est abondant
L'été, en août-septembre, le Fresquel se traine misérablement, moribond. Malgré cette période difficile, c'est la rivière lauragaise dont le débit annuel est le plus fort. Dans son cours supérieur, il est composé de deux branches qui se réunissent aux environs de Souilhe. La branche sud vient de Baraigne (la source est un fossé au nord du village), passe sous la canal à l'ouest du Ségala et se dirige vers Labastide d'Anjou. La branche nord est formée des ruisseaux qui drainent le front de la cuesta de St Félix. La rivière coule vers l'Aude, empruntant un tracé entre Castelnauda-ry et Saint Papoul, Lasbordes, Alzonne, Pezens et se termine dans l'Aude au nord de Carcassonne. Sur sa rive droite, il reçoit l'infime Tréboul et à gauche les torrents impétueux au printemps et en hiver : le Tenten, le Lampy, le Rieutort, la Bernassonne, l'Alzeau. Il faut ici visiter Castelnaudary, sa collégiale gothique, le musée et les bâtiments du Présidial, les hôtels particuliers des XVIIème et XVIIIème siècles, et surtout le Grand bassin du Canal, avec son port au blé. Au nord, l'abbaye de Saint Papoul avec son cloître intact, les châpiteaux archaïques de l'intérieur, ceux du célèbre sculpteur Maître de Cabestany à l'extérieur. Si vous êtes intéressé par l'architecture cistercienne (XIIème siècle), poussez jusqu'à l'abbaye de Villelongue dans la vallée de la Bernassonne. Les restes en sont magnifiques, l'aile sud du cloître, le réfectoire des moines (restauré), le vivier. Vous terminerez à Bram, un village circulaire avec un pittoresque marché le mercredi, et où reste encore le souvenir des atrocités de la Croisade de 1210.
Les torrents de la Montagne noire
La Montagne noire
est très humide : 800 mm de pluies annuelles à Saint Férreol,
1500 au Pic de Nore, d'où l'abondance des torrents. Un seul coule sur
le versant nord et atlantique, le Sor ; les autres dégringolent par
des gorges pittoresques vers le Fresquel. Le Sor vient d'Arfons. Aux Cammazes,
un barrage récent (1957) soutient une énorme réserve
d'eau potable. Il faut voir la "voûte de Vauban", sorte de
tunnel utilisé par la Rigole de la Montagne pour franchir une colline.
A Durfort, en utilisant la force hydraulique du Sor, des moulins ou martinets
ont permis le développement du travail du cuivre. En empruntant la
route des Cammazes à Durfort, on aperçoit au-dessus de la forêt
la Tour de Roquefort. Il s'agit du donjon d'un château, haut lieu du
catharisme lauragais où vécut une puissante famille hérétique
: les Roquefort.
Les torrents du versant sud ont permis la construction par Riquet de la Rigole
de la Montagne. A partir du barrage-prise d'Alzeau, la Rigole capte des eaux
méditerranéennes. Par la tranchée du Conquet, elle les
amène sur le versant atlantique, vers le Sor ou vers Saint-Ferréol.
Cette tranchée est la clef, le point stratégique le plus important
du canal, à partir des Cammazes vers Saissac. A 6 km environ après
les Cammazes, un panneau à droite indique : colonie de vacances de
la ville de Narbonne. En face, à gauche, un chemin conduit au Conquet
à 800 mètres.
Les rivières du Lauragais et de la Montagne noire permettent le fonctionnement du Canal du Midi. Elles sont encore utilisées pour l'irrigation et l'aspersion des cultures grâce à la construction de réservoirs comme celui de la Ganguise qui sert à l'arrosage de la plaine Castelnaudary-Bram. C'est en exploitant une rivière très puissante, l'Hers vif venant du massif pyrénéen du Saint Barthélémy, que l'on a aménagé récemment le barrage de Montbel, hors du Lauragais, à hauteur de Chalabre. Des conduites souterraines alliées à des stations de pompage relient Montbel à la Ganguise et à Naurouze. Les eaux pyrénéennes sont venues au secours des indigentes rivières lauragaises
Jean
ODOL
Crédit photo : Jean Odol
Couleur Lauragais N°21 - Avril 2000