"Balade
dans la plaine lauragaise du côté de Villefranche"
Couleur Lauragais vous amène ce mois-ci à Villefranche
de Lauragais en Haute-Garonne. A mi chemin entre Toulouse et Castelnaudary,
sa position stratégique explique l'importance qu'il a prise
par le passé. Ses monuments et tout particulièrement
son église tout à fait hors du commun en témoignent
encore aujourd'hui. Odette Bedos vous conduit dans le dédale
de son histoire et de ses rues. |
Un
POS médiéval
Dans un
comté de Toulouse réduit au tiers par la Paix de Meaux
(1229), la fondation de la bastide appelée Villefranche sur l'axe
routier Est-Ouest, est une conséquence du règlement de
la Croisade contre les Albigeois. Cette nouvelle ville forte fut créée
sur ordre royal, vers 1252, dans un espace de la forêt de Saint
Rome.
Ses fondateurs étaient deux seigneurs laïques : Guillaume
Pierre de Gardouch, donateur du sol à défricher, et le
comte Alphonse de Poitiers, gendre de Raimond VII et garant de l'autorité
royale.
Sicard
Alaman, Sénéchal de Toulouse et agent de Louis IX fut
le promoteur du projet dans le couloir de l'Hers. Conformé-ment
aux clauses du traité de Paix, Villefranche avait trois destinations
précises (le trois, symbôle de la Trinité).
- reloger par feu des colons, les attirer par l'octroi de libertés
individuelles ou franchises et contrôler leurs croyances religieuses
(le catholicisme était la religion d'état) et en faire
des sujets du royaume,
- surveiller les abords de la voie royale, zone à risques car
des routiers, brigands de grands chemins embusqués en forêt
de Saint Rome, rançonnaient les marchands,
- relancer le commerce à longue distance (sur la voie vitale)
et réouvrir des marchés et des foires de plein vent dans
les villages de la vallée de l'Hers.
Un lieu de culte attestait de la présence effective de l'église
dans un terroir purgé de l'hérésie.
Avant
son départ en Terre Sainte (8ème Croisade : 1268-1271),
la pieuse Jeanne fut sollicitée par le Diocèse pour cautionner
la réalisation d'une église unique en son genre. Ce monument
de style forteresse fut bâti en briques de four rose toulousain
(ou chafrénad). Deux impressionnantes tours octogonales encadraient
un imposant clocher-mur à six baies campanaires en forme de mitre
d'évêque.
Une andronne ou venelle coupe-feu, une maison à colombage ou
corondat, la Pradelle et les rues se coupant en angle droit, évoquent
ce passé médiéval.
Villefranche a subi les heurs et malheurs des temps dont la chevauchée
du Prince Noir (1355). Le siècle d'or du Pastel (1453-1463) en
fit un centre collecteur. Elle paya cher son penchant pour la Réforme
(elle fut mise à l'index par le Parlement en 1570).
Par ordonnance royale (1668), ses trois consuls fixèrent au vendredi
son marché hebdomadaire (Veneries dies : jour de Vénus).
L'ouverture du Canal du Midi (1681) et le Chemin de Fer (1858) permirent
à cette ville au terroir fertile de devenir un centre distributeur
de blé vers les grands moulins de Toulouse et du bas Languedoc.
Cette activité économique fit ouvrir dans Villefranche
boutiques et auberges. Elle devint sous-préfecture mais perdit
ce titre en 1926. Enrichie par ces transactions, elle se para de belles
maisons bourgeoises rouges brique. Cette évolution lui valut
l'appellation de Flou del Laouragués. Villefranche a gardé
de son origine sa morphologie rectiligne sur la RN 113, voie de passage
très fréquentée par des véhicules utilitaires
et de nombreux particuliers dont l'accueil est favorisé par des
espaces de stationnement. Dans un cadre verdoyant à peine à
une demi heure de la capitale régionale, cette agglomération
se suffit à elle-même, grâce à ses commerces
de proximité et à ses marchés. Cette tradition
qui existe depuis 1668, attire toujours une foule d'acheteurs venus
des alentours. Le populaire marché de plein vent se déroule
sur quatre grandes places dont l'une est couverte. C'est la halle centrale
en brique foraine. Elle se caractérise par ses grandes ouvertures
en arceau et ses deux frontons triangulaires arborant les armoiries
de l'ancienne bastide royale (qualifiée de Bonne Ville) aux trois
fleurs de lis d'or.
Un
marché renommé
Au fond
de la ville, côté Autan, près de l'ancienne halle
au Salé, le marché de la volaille, place des fontaines,
subsiste encore. Quelques petits vendeurs placés en ligne proposent
leurs volatiles fermiers enfermés dans des cages ou des panières.
De la Toussaint à Pâques, les débiteurs de canards
gras sont très sollicités. Sur et autour de la Pradelle
protégée par Notre Dame, patronne locale, les chalands
peuvent se procurer des produits alimentaires et vestimentaires. L'ancienne
place des chevaux, le long de la Mairie, est réservée
aux revendeurs de fruits et légumes et aux fleuristes.
A en juger par l'affluence des acheteurs, le marché est encore
ce lieu traditionnel de rencontres et d'échanges qui a conservé
son pittoresque (petits attroupements et élocution patoise encore
usitée entre anciens ruraux). La rue de la République
est quotidiennement animée par les allées et venues des
visiteurs en quête de produits courants proposés dans ses
magasins.
Ville étape réputée pour sa gastronomie (on peut
y déguster foie gras et cassoulet), Villefranche a conservé
quel-ques édifices de caractère en briques roses toulousaines,
son Tribunal de Première instance, l'ancienne gendarmerie, ses
écuries et sa sous-Préfecture.
Amateur de rugby, le villefranchois dispose d'un vaste complexe sportif.
Après un regard sur le square de Gaulle, ancien foirail aux bestiaux
qui regroupe la biblithèque municipale, la Poste et le monument
aux Morts, les touristes convergent vers la place des Pasteliers pour
profiter de la perspective qui s'ouvre en enfilade sur la monumentale
église du XIIIème siècle, la halle centrale, la
Pradelle et la Mairie. Si la plaque émaillée apposée
sur le mur du lieu de culte donne le nom de sa fondatrice, il faut préciser
que c'est l'autorité épiscopale toulousaine qui en exigea
une édification aussi imposante. Après le Massacre des
Inquisiteurs dans Avignonet (Ascension 1242), l'Église voulait
marquer de son empreinte un territoire repris aux hérétiques
cathares. La voûte de la nef surprend par sa faible hauteur. Villefranche,
chef lieu de baylie, ne comptait que 219 feux en 1539. Direction Avignonet,
le parc à moutons, aménagé sur l'ancien cimetière
de la bastide, est devenu jardin public.
Dans l'environnement de Ville-franche, les visiteurs de passage ont
le choix entre plusieurs lieux de promenade : Avignonet, ancien bastion
cathare, le Canal du Midi à Gardouch, Naurouze ou Port Lauragais,
le paisible lac de la Tésauque, près de Nailloux et la
bastide de Montgeard avec son château et son église datant
de l'ère du Pastel.
Malgré les bouleversements imposés par la vie moderne,
Bilofranco reste citat hurouso (ville heureuse) et bilo joueyouso (ville
animée) dans un site champêtre.
Odette BEDOS
Couleur
Lauragais N°21 - Avril 2000
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