Au fil de l'eau
Une conséquence du creusement du Canal royal de jonction des Deux Mers en quatorze ans de travaux (1667-1681) sous le Règne de Louis XIVAprès la promulgation de l'Édit de St Germain (1666), ordonnance royale qui lança le projet d'ouvrir une voie navigable reliant directement Toulouse à la Méditerranée pour des échanges commerciaux et la poste, l'ingénieur Pierre-Paul Riquet commença les travaux de creusement et les infrastructures.
Les responsables des "États de la Province du Lan-guedoc", organisme royal siégeant à Carcassonne, firent exproprier les terres avoisinant la zone de creusement du Canal d'une largeur de neuf toises (17 m 541) comprenant chemin de halage francs-bords. Il fallut dévier des ruisseaux et aménager des aqueducs ou voûtes au dessus de leurs lits, afin de livrer passage à la nouvelle voie d'eau. Les Gardouchois durent même céder leur ancien cimetière "Cantou des Crestias".
Us et coutumes
régissant les villages du Lauragais sous l'Ancien Régime
Depuis l'époque féodale, les seigneurs "justiciers"
garants des agglomérations rurales, avaient le monopole des services
communautaires appelés "banalités" : moulins fariniers,
moulins à vent (moli del bént) ou hydraulique (moli de l'aygo),
four banal, forge et tuilerie seigneuriales. Seuls ces privilégiés
possédaient les fonds nécessaires à la construction des
bâtiments appropriés, à l'acquisition du matériel
d'équipement et à l'entretien de prestataires engagés
par contrat d'afferme.
Les villageois
étaient tenus d'utiliser ces centres d'approvisionnement selon la loi
vassalique du "donnant-donnant". Contre leur protection physique
assurée par le seigneur suzerain, les villageois, ses vassaux, devaient
aide (exploitation du sol, corvées) et redevances locales.
L'usage des services utiles était ainsi fixé en Lauragais :
- Une pugnère de farine par mouture,
- Un pain sur vingt cuits dans le "fournil",
- Des grains (bled ou millet) pour l'aiguisage des outils aratoires, le ferrage
des bufs ou quelques briques de four destinées à consolider
portes et fenêtres des maisons villageoises en "pisé".
Ces privilèges ou "droits seigneuriaux" furent abolis par
la Révolution.
Un moulin banal à supprimer
Dans la plaine, au lieu dit la Pointe (consulat de Renneville), il fallut
démolir un moulin situé en bordure de l'Hers, afin de dévier
le cours de ce ruisseau dont le lit occupait la zone de creusement du Canal.
Ce service utile appartenait à Marie d'Arnave d'Ornolac, co-seigneur
de Gardouch de 1662 à 1681, fille unique et héritière
de Messire Gaspard d'Arnave d'Ornolac et épouse d'Antoine de Roquefort,
baron de Marquein.
Prestataires de services
Il y eut successivement dans ce moulin deux meuniers sous contrat :
- en 1660, un dénommé Jean Sarrat, venant d'Aignes,
- en 1666, Bertrand Caysé.
Indemnité
d'expropriation
Le Sieur de Caylus, chargé de la conduite des travaux du Canal, remit
une somme de 2000 livres (approximativement la valeur d'une dizaine d'arpents
de terre) à Marie d'Arnave d'Ornolac, propriétaire légale
du moulin "détruit", en dédommagement du préjudice
occasionné par l'entreprise royale.
Topographie
Le cadastre de Gardouch garde le nom de cet ancien moulin. Le "Mouna"
(déformation du "roman" molan = moulin) désigne une
exploitation située dans les parages, en bordure du Canal du Midi.
Un document d'archives atteste de ces pertes de biens fonciers et immobiliers
(2E1155 _ A.D.H.G.).
Preuve de l'expropriation du moulin hydraulique des Arnave d'Ornolac.
(*) Les Arnave, cités dans le document ci-dessus, venus d'Ornolac en Foix, firent aménager un château du Pastel, en briques foraines, appelé "Ornolac" et situé sur le "découvert" du Cammas, à Gardouch.
Odette BEDOS
Graphie, texte et document d'Odette Bedos
Couleur Lauragais N°20 - Mars 2000