Dossier
Le nouveau visage du Lauragais - AN 2000Les chiffres du dernier recensement de la population viennent d'être publiés par l'INSEE et une analyse rapide révèle des changements profonds dans la population du Lauragais. Jean Odol analyse ces chiffres pour les lecteurs.
Quelques précisions
sur les limites du Lauragais
Il existe actuellement deux Lauragais : un Lauragais historique et le Pays
Lauragais. Le Lauragais historique correspond à la très ancienne
jugerie (territoire ayant à sa tête un juge royal) créée
par Alphonse de Poitiers vers 1250-55 à laquelle se superpose le comté
du Lauragais de Louis XI (1477) et la sénéchaussée de
la comtesse du Lauragais Catherine de Médicis de 1554. Ce Lauragais
disparaît en partie en 1790 avec la création des départements,
mais il perdure jusqu'en 1926 avec les deux arrondissements de Villefranche
et de Castelnaudary. Le Lauragais historique correspond à neuf cantons
de la Haute Garonne (Auterive, Caraman, Castanet, Cintegabelle, Lanta, Montgis-card,
Nailloux, Revel, Ville-franche), cinq cantons de l'Aude (Castelnaudary Nord,
Castel-naudary Sud, Belpech, Fan-jeaux, Salles sur l'Hers) et, en partie,
trois cantons du Tarn (Cuq Toulza, Puylaurens et Dourgne).
L'association « Pays Lauragais » (*) est née récemment, en juin 1998, à Nailloux. Son champ d'action est plus petit que le Lauragais historique. Le Pays Lauragais comprend six cantons de la Haute Garonne (Revel, Caraman, Lanta, Villefranche, Montgiscard, Nailloux), cinq de l'Aude (Castelnaudary Nord, Castelnaudary Sud, Belpech, Fanjeaux et Salles). Ces précisions sont indispensables pour cerner de près la conception du Lauragais 1999.
L'évolution
globale de la Haute-Garonne
La Haute Garonne compte en 1999, 1 046 000 habitants. Elle a gagné
120 000 individus depuis 1990. Cet essor spectaculaire est dû à
un excédent des naissances sur les décès et surtout à
l'installation de nouveaux jeunes ménages. Le Sud du département
(Luchon, St Gaudens) se dépeuple alors que l'agglomération toulousaine
(58 communes) passe à 741 000 personnes soit un gain de 90 664 depuis
1990. La commune de Toulouse (qui se dépeuplait) a gagné 32
312 âmes.
Une poussée
spectaculaire en Lauragais
Le Lauragais historique accueille 149 439 habitants (avec le canton de Castanet
au complet) . C'est un chiffre énorme, c'est plus que le département
de l'Ariège dans sa totalité ! Ces chiffres sont à rattacher
à l'explosion de la couronne toulousaine : le canton de Castanet est
devenu une ville de 35 947 habitants ; celui de Montgiscard compte 20 296
personnes !
Le Pays Lauragais passe à 93 241 (33 584 pour l'Aude, 59 657 pour la Haute-Garonne). La poussée démographique est sensible dans tous les cantons : que ce soit une véritable explosion, où un léger progrès (Belpech). Cette poussée atteint même le Lauragais profond (Bram par exemple) et tous les cantons audois progressent. Le canton de Belpech, dans la Piège, maintient sa population, gagnant même onze habitants (2038 contre 2027). Le canton de Salles sur l'Hers, malgré son isolement, est en progrès : plus 191 soit 11,78%, avec deux communes qui poussent bien : St Michel de Lanès (+ 50) et Salles sur l'Hers (+ 64). La ville de Castelnaudary perd légèrement (10704 contre 10970 en 1990).
Dans le Lauragais proche de Toulouse les progrès sont encore plus spectaculaires. Le canton de Castanet progresse de 6659, soit +22,73%. Montgiscard est devenu un canton champignon : de 16 543 on passe à 20 296, soit un progrès de 22,68%. C'est Lanta qui bat les records avec une augmentation de 47,36% : ce Lantarès parfois si endormi connaît une métarmorphose bienfaisante.
Les petits
cantons ruraux suivent le mouvement général
Nailloux gagne 589, soit 13,06%. Cintegabelle compte en plus 476 personnes,
soit +11,45%. Caraman est dans la bonne moyenne, 542 habitants en plus soit
une augmentation de 10,22%. Revel également : plus 841 soit +8% et
ceci essentiellement grâce au développement de sa zone industrielle.
Dans l'Aude, pour les cinq cantons, la croissance est de 1432, soit +4,45%.
En 1990, la croissance démographique était déjà
importante en suivant seulement les grands axes de communication et de transport
(les routes et un peu le chemin de fer). En 1999 la poussée est encore
plus sensible, dans toutes les communes (ou presque), et jusqu'à 60
km de Toulouse (à Bram ou Verdun Lauragais).
Le Lauragais,
terre d'accueil
Le Lauragais est traditionnellement une terre d'accueil depuis 1920, lorsque
arrivèrent des milliers de travailleurs italiens qui sauvèrent
une économie agricole totalement paralysée par les pertes humaines
spectaculaires de la guerre 1914-1918, puis les grandes vagues des années
70-80 au cours desquelles s'implantèrent des hommes et des femmes venant
de l'outre mer et de toutes les régions de France (dont beaucoup de
la région parisienne). Depuis 1990, les causes des arrivées
sont multiples, surtout économiques. Des retraités se retirent
en Lauragais. L'agriculture a perdu encore des emplois car la concentration
foncière n'est pas terminée. Il s'agit surtout d'emplois du
tertiaire dans l'agglomération toulousaine (fonctionnaires, cadres
d'entreprises) et du secteur secondaire avec des débouchés à
Toulouse mais aussi avec des zones industrielles lauragaises très actives
comme Labège Innopole, Revel, Castelnaudary, Villefranche, où
se sont créés des centaines d'emplois. Citons, par exemple,
l'installation en juillet 1999 de la firme LIDL sur la commune de Baziège
avec une centaine d'emplois.
Un pays en
plein essor démographique
De véritables cantons champignons se dessinent et la palme revient
à Lanta, avec un progrès de 47%. Montgiscard est le plus important
des cantons ruraux de la Haute Garonne : 20296 habitants, chiffre impressionnant,
plus gros que la population de Pamiers, deux fois celle de Castelnaudary.
La carte démographique du Lauragais est ainsi en plein bouleversement,
avec un Lauragais jeune, actif, dynamique se profilant à l'entrée
du troisième millénaire. Nous sommes très éloignés
du Lauragais de 1982, encore bien plus de celui de 1975 où le canton
de Montgiscard ne comptait que 10297 personnes (population doublée
en 25 ans), Sainte Foy d'Aigrefeuille qui en avait 272 contre 1631 en 1999,
ou Belberaud 377 contre 1122 aujourd'hui.
Les courants
politiques évoluent également : aux élections européennes
de 1999 on a pu observer une très forte poussée écologiste
et de l'extrême gauche. La structure sociale se modifie profondément
avec un recul relatif important du secteur primaire (agriculture) et un gonflement
des secteurs secondaires (industries) et surtout tertiaire (employés
cadres, cols bleus).
Un dernier aspect, que l'on peut qualifier de révolutionnaire, est
la jeunesse de la nouvelle population. Un exemple démonstratif : 5000
adolescents ont assisté à un concert rock, reggae, salsa, techno
à Nailloux début août 1999.
Les problèmes actuels vont néanmoins s'aggraver, notamment un réseau de routes saturées (bouchons de Castanet et de Labège). Des besoins scolaires se font également jour : Belberaud ouvre une classe chaque rentrée scolaire depuis trois ou quatre ans, Baziège a rénové et agrandi son groupe scolaire. Des besoins culturels se font également sentir : hommes et femmes demandent des conférences historiques sur le catharisme (que l'on découvre), le pastel ou le canal du Midi, des adolescents souhaitent découvrir Déodat de Séverac, la musique arabo-andalouse ou celle de Guilhem de Durfort, célèbre troubadour, mais aussi des repas typiquement lauragais, cathare ou catalan.
Un Lauragais original et ouvert est en train de naître sous nos yeux.
Jean ODOL
(*) voir,
dans le numéro 18, les interviews des responsables du Pays Lauragais.
Couleur Lauragais N°19 - Février 2000