Au
fil de l'eau
"
Batellerie du Canal du Midi "
On
le sait, en creusant " son Canal ", Pierre-Paul Riquet
avait pour ambition de désenclaver le Lauragais en lui ouvrant
les portes de l'Océan par la Garonne à Toulouse,
et
de la Méditerranée par Agde et Sète. Oeuvre
de
générosité pour les régions traversées,
le Canal du Midi ne pourra remplir son rôle de transporteur
qu'avec l'arrivée des premières barques sur les eaux
de Naurouze.
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Commandées
par Pierre-Paul Riquet et construites selon ses indications, elles furent
utilisées tout d'abord sur la première partie du Canal,
mise en navigation de Naurouze à Toulouse. Elles servirent aussi
au transport des matériaux nécessaires à la réalisation
de l'ouvrage.
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L'embarquement
dans la " barque de poste " à Castelnaudary vers 1830 |
Pierre-Paul
Riquet, propriétaire du Fief du Canal du Midi voulait maîtriser
l'ensemble du fonctionnement de l'outil de transport : courtage, possession
et conduite des barques, ouverture des écluses, etc
Si ses descendants purent conserver la main mise sur l'ouvrage et
son
fonctionnement proprement dit, la logique d'entreprise privée
leur fit rapidement ouvrir la navigation aux barques indépendantes
et ventrues venues des bassins maritimes : Coureaux de Garonne, barques
du Rhône, Catalanes, Génoises, ...
Par contre, les barques de poste assurant le transport de voyageurs
par des lignes régulières entre Toulouse et Sète,
resteront un outil de " communication " unique pour les propriétaires
du Canal véhiculant l'image de son administration. Un grand soin
des détails et un souci de régularité régit,
jusqu'à la fin, l'exploitation de ces Coches d'eau.
La concurrence
fut acharnée aussi bien, à terre, avec les diligences
qu'avec le Chemin de Fer. Le nombre de passagers fut sans cesse croissant,
chacun appréciant le confort et la sécurité (on
passa de 6 000 en 1682 à 94 000 en 1854).
Les passagers étaient hébergés dans des "
dinées " ou des " couchées ". Pour gagner
du temps, ils durent bientôt rester à bord (de jour comme
de nuit). Les barques furent aménagées afin de leur permettre
de prendre du repos et de se restaurer. Dès 1850, on arrivait
à parcourir les 260 km de Toulouse à Sète en seulement
35 heures, les premiers vapeurs permettant de franchir l'étang
de Thau.
Lorsque la liaison par voie ferrée Bordeaux-Sète fut effective,
on parvint à réduire la navigation à 23 heures
de Toulouse aux Onglous (extrémité du Canal près
de Marseillan).
Les quatre chevaux de halage fournis par des entrepreneurs sous contrat
étaient fortement sollicités. Montés par un postillon,
marchant au trot, on en changeait jusqu'à 27 fois sur le trajet.
Le transport des marchandises constituait la part la plus importante
de la navigation sur le Canal. Basé pour l'essentiel, sur l'exportation
des produits du Lauragais, l'importation d'huiles, de sel, le commerce
du vin, l'ensemble du trafic atteignit les 110 millions de tonnes.km
(tonnage embarqué x distance parcourue).
Le 1er
juillet 1858, le destin du Canal du Midi et de sa batellerie bascule
: la Compagnie du Canal du Midi (dont les héritiers de Pierre-Paul
Riquet détenaient 68% des parts), lassée de voir ses revenus
diminuer dans la lutte tarifaire qui l'opposait à la Cie des
Chemins de Fer du Midi, choisit de lui donner le Canal en fermage pendant
40 ans !
Il
en résulta un véritable gâchis ! En cette période
d'essor industriel, cet ensemble fluvial enfin abouti (on venait d'achever
le canal latéral à la Garonne), nanti d'une population
batelière renforcée ne demandait qu'à s'épanouir.
La réalité fut toute autre : freiné par une
gestion
volontairement médiocre, le trafic chuta en 1898 à 28
millions de tonnes.km.
Une mutation dans la destinée du Canal s'engage dès les
années 1970 avec l'apparition des premiers bateaux de location
et, conjointement, de péniches de transport transformées
en bateaux à passagers.
Plus récemment, la sécheresse des années 1989 et
90 marqua l'arrêt définitif du transport de marchandises.
L'Etat annexa les réserves d'eau de la navigation en Montagne
Noire, bloquant les derniers Pinardiers, nommés BACHUS et ESPÉRANCE.
Le Canal du Midi renoue aujourd'hui avec la navigation de plaisance
qui permet d'associer découverte de l'ouvrage et douceur de vivre
en pays Lauragais. Des personnages étonnants, voyageurs et conteurs
infatigables franchirent le seuil de Naurouze : Tomas Jeffersson, en
1787, Georges Simenon en 1928. Celui-ci déclara : " Je conseille
ce genre de voyage à ceux qui n'ont pas de yatch en Méditerranée,
ne descendent pas dans les palaces, mais veulent connaître la
vraie France ".
Par
sa
situation, le Lauragais se place incontestablement au coeur d'un vaste
réseau de voies navigables touristiques : les " Rivières
et Canaux du Midi ". En 1996, il circulait près de 400
bateaux
de location et 22 bateaux à passagers. Le Canal s'est trouvé
une nouvelle voie !
Pierre
GAUDRY
Couleur
Lauragais N°9 - Février 1999
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