Histoire
Noël d'autrefois en LauragaisAutrefois,
le terroir perpétuait ses coutumes ancestrales pour fêter l'anniversaire
de la naissance du Christ. Nadal ou Nadalet, c'est ainsi qu'ils dénommaient
Noël, la fête de la Nativité. Odette Bedos nous raconte
quelques unes de ces coutumes.
L'origine
de cette fête se situe en l'an 337 (la date précise de cet évènement
étant inconnue). Le Pape Jules 1er choisit le 25 décembre pour
célébrer Noël ou dies natalis (jour de la nativité).
Par ferveur, les paysans donnaient très souvent des prénoms bibliques à leurs enfants : Abel, Moïse, Elie-Noël, Noé, Noélie, Noémie et Nadal (1630, Re-gistres Paroissiaux de St Brice).
Tout catholique devait observer les douze jours d'abstinence carnée prescrits par l'église. C'étaient las tempouros ou quatre temps (4 fois 3, le 3 représentait le symbole de la trinité, le 12 évoquait les douze apôtres ou disciples du Christ). La vigile des quatre temps s'étalait du 13 décembre au soir jusqu'au 25 décembre au soir. On disait : faïre béjilho (faire vigile). l'Eglise estimait que l'on pouvait jeûner pendant la morte saison.
La tradition orale rapporte à ce sujet la légende suivante : trois bigotes de village qui avaient pêché par calomnie durant toute leur vie, soucieuses du repos de leur âme, décidèrent d'observer ces douze jours de jeûne avant Noël pour se racheter. Arrivées devant le Tribunal Suprême, Saint Pierre intervint en leur faveur et déclara : « An junat las tempouros de Nadal, Perdouna nous cal » (elles ont observé les quatre temps de Noël, nous devons les pardonner). Leurs âmes montèrent alors directement au ciel.
Douze jours
avant Noël, le carillonneur de village exécutait une sonnerie
spéciale à l'aide de deux cloches pour annoncer la fête
de la Nativité ou la venue d'une aube nouvelle. Il sonnait las aubétos
(les petites aubes).
Cette sonnerie qui était pratiquée 3 fois par jour (matin, midi
et soir), débutait le 13 décembre au soir et se terminait le
25 à l'angélus.
On chantait
aussi ce refrain pour le Noël populaire (Nadal populari) :
Sounats campanétos,
Tindats carilhous,
Sounats las aubétos,
Cantats angélous.
(Sonnez clochettes,
Sonnez carillons,
Sonnez les petite aubes,
Chantez angelots).
La veillée
de Noël :
En attendant la messe de Minuit (messo de Miéjoneit), on passait la
veillée en famille. Vivant à même pot et feu, vieux parents,
brus, gendres et enfants s'installaient près du cantou (coin du feu)
afin de profiter de la chaleur dégagée par la grosse bûche
de Noël (lé souc de Nadal).
Un vieux dicton disait : Per Nadal, cadun a soun ostal (pour Noël chacun
chez soi).
Les paysans attribuaient aux cendres de la bûche de Noël des vertus
curatives. On les gardait soigneusement pour les mélanger au blé
de semence qu'elles préservaient de la carie. Elles protégeaient
étables et bergeries des épidémies. Placés sous
les lits, les charbons de la bûche détournaient la foudre.
Pendant que l'aïeule (la ménino) faisait sauter quelques châtaignes
(castagnous) dans une poêle à long manche (la padéno)
afin de régaler les enfants et de les tenir éveillés,
parents, brus, gendres et adolescents dé-pouillaient le maïs (desculéfa
lé mil) en attendant l'heure du départ pour la messe de Minuit.
Assis en cercle sur des chaises basses (cadiérous), les petits jouaient
aux osselets (ossilhous), à la pierre cachée (la peïro
amagado) ou au coutélou-mourru qui en était une variante. Ces
deux derniers jeux consistaient à cacher une pierre ou un petit couteau
replié (coutélou) entre les mains jointes des partenaires en
débitant une comptine. L'un des joueurs était chargé
de retrouver l'objet. Vers 22 h, le moment était venu pour eux d'aller
se coucher. On les laissait sous la surveillance des anciens (les aujols).
Sur les coups de 23 h, il fallait songer à regagner l'église
paroissiale souvent éloignée. C'était à la lueur
d'une lanterne qu'on se mettait en route dans l'air glacé. Le clic-clac
des sabots (les esclops) retentissait sur le chemin caillouteux. Les hommes
avaient coiffé leur bonnet de laine coutumier, les épouses s'emmitouflaient
dans leur châle de cadis tandis que les adolescents réchauffaient
leurs doigts gourds au contact des galets tièdes que la mère
avait glissés dans les poches de leur cape de burat.
La cérémonie qui durait une bonne heure commençait après
que le célébrant eut déposé le nouveau-né
dans la crêche réalisée par les jeunes filles et les religieuses
de la paroisse. Tout le village était présent et chacun participait
en chantant d'anciens Noëls en patois.
Le repas
du jour de Noël :
Autrefois, le réveillon était inconnu. Cependant, le Saint Jour
de Noël, les ménagères amélioraient l'ordinaire.
Le jeûne étant levé, on pouvait manger de la viande. Un
vieux dicton disait : Celui qui a son porc au sel, n'est pas en mal de passer
Noël.
Les foyers modestes consommaient le pot au feu cuit dans la grosse marmite (lé troupi ou l'oulo). C'était un bouillon avec de la poitrine de boeuf farcie et des légumes du potager (l'ort). Certains préféraient le poulet rôti à la casserole (la couquélo) piqué de grains d'ail avec quelques olives. D'autres optaient pour la poule au pot garnie d'une farce (lé fars) faite de lard hâché, d'ail, de mie de pain, le tout lié à l'oeuf. Chez les plus aisés on mangeait le chapon (lé capou) ou la dinde de Noël (la pioto de Nadal).
Les cadeaux
:
Pour faire plaisir aux petits, avec une partie de l'argent gagné grâce
à la vente des oeufs sur le marché, les métayères
ramenaient un petit sabot en chocolat abritant un enfant Jésus en sucre
rose, une orange (iranjé) ou une grenade (mingrano). Imman-quablement,
elles achetaient chez l'épicier le Cantal gras de Noël dont la
famille se régalait.
Les lendemains
de Noël :
Autrefois, les gamins (écoliers et enfants de choeur) avaient l'habitude
de se rendre, le matin du premier de l'an (al cap de l'an), au domicile des
propriétaires terriens et des Notables pour leur souhaiter une bonne
année. On les appelait les quémandeurs d'étrennes.
La formule coutumière était celle-ci : Vous souhaiti uno bouno
annado de fatsos (ou dé forço) d'aoutros acoumpagnado (je vous
souhaite une bonne année suivie de beaucoup d'autres).
En signe de remerciement, le maître de maison gratifiait les gamins
obséquieux de quelques pièces de monnaie.
Une autre coutume, la calandro lauragaise, consistait à faire marquer aux 12 premiers jours de l'année ce que seront ses 12 mois. Un dicton disait : « Regarde comment sont menés depuis Noël douze journées car, suivant ces douze jours, les douze mois auront leur cours ».
C'est aussi simplement que l'on fêtait autrefois Noël dans nos campagnes du Lauragais.
Texte et illustration : Odette BEDOS
Couleur Lauragais N°18 - Décembre 1999 / Janvier 2000