

Au fil de l'eau
L'utilisation de l'eau en Lauragais avant 1960Un adolescent du Lauragais en 1999 ne connaît certainement pas l'origine de l'eau qu'il utilise : ouvrir un robinet, préparer un bain ou une douche sont pour lui d'une grande simplicité et l'arrosage d'une pelouse en été lui semble tout à fait naturel. Et pourtant que de problèmes à résoudre avant cette utilisation massive. En effet, l'eau est très rare en Lauragais et c'est seulement au cours de la décennie 1960-70 qu'un réseau d'eau sous pression a été mis en place et que des lacs de retenue ont été aménagés.
    
    I) Les problèmes de l'eau avant 1960.
Le Lauragais 
    connaissait, jusqu'à peu de temps encore, de nombreux problèmes 
    dans la gestion de son eau. 
    Dans les fermes les besoins sont considérables : un boeuf con-somme 
    40 litres par jour, un homme 2 à 3 litres ! A côté d'un 
    puits aléatoire, une mare recueille les eaux des toits et sert pour 
    les bovins. Dans chaque village on compte 2 à 3 puits communaux, plus 
    des mares (Nailloux en comptait trois).
    
    Il faut absolument économiser l'eau ce qui veut signifie que dans les 
    maisons il n'y a pas de toilettes ni de salle d'eau. Egalement, absence a 
    peu près complète d'hygiène : pas de WC et pas d'assainissement, 
    pas de toilette intime. Dans ma famille, on lavait ainsi les enfants le dimanche 
    matin dans une lessiveuse : Les autres jours, un peu d'eau sur le visage suffisait 
    car l'hygiène corporelle était un luxe. Pour laver le linge, 
    une fois tous les 6 mois, on faisait le "ruscada" qui durait deux 
    jours. Tous les matins, c'était la corvée d'eau, pour la cuisine, 
    dans une cruche (una dourne), d'une contenance de 6-8 litres environ.
    Aujourd'hui on a peine à imaginer de telles restrictions ! 
  
II) Les origines de l'eau en Lauragais avant 1960.
La sècheresse 
    estivale du climat lauragais et la faiblesse des rivières :
    L'un des traits climatiques du Lauragais est de recevoir 650 mm d'eau par 
    an, 700 vers la Piège, 700 à 800 au dessus de Revel. Ces précipitations 
    sont irrégulières et laissent apparaître dans leur répartition 
    mensuelle une plage de sècheresse de 3 mois environ (juillet, août, 
    septembre), au cours de laquelle les rivières (Hers mort, Fresquel) 
    sont moribondes. L'Hers mort mérite bien son qualificatif : on le traverse 
    à pied sans difficulté. Certains ruisseaux comme la Hyze, la 
    Marcaissonne, la Saune, la Seillonne, le Girou disparaissent complètement. 
    Cette sècheresse obligera à recourir à d'autres rivières 
    exogènes au Lauragais comme le Sor, l'Ariège, l'Hers vif qui 
    sont originaires de régions très fortement arrosées comme 
    la Montagne Noire ou le massif pyrénéen du Saint Barthélémy.
Les nappes 
    phréatiques :
    
    Dans les collines molassiques du Lauragais, les nappes phréatiques 
    sont de deux types principaux : 
    - soit l'eau imprègne une lentille de sable : la molasse lauragaise 
    est une roche tendre et tertiaire qui est formée de lentilles de sable, 
    d'argile, de grès, de bancs calcaires (structure géologique 
    dite lenticulaire). La disposition des lentilles peut présenter une 
    lentille de sable comprise entre deux lentilles d'argile. Le sable reçoit 
    les infiltrations après les pluies, l'argile constitue un plancher 
    étanche. Un puits permet de recueillir l'eau qui imbibe le sable.
    - soit l'eau imbibe des dépôts colluviaux quaternaires dans le 
    fond des vallées : à l' époque quaternaire, sous un climat 
    très froid (périglaciaire), des dépôts fins d'argile 
    ont glissé sur les pentes et se sont entassés au fond des talwegs 
    (3-4 mètres d' épaisseur). Ces dépôts colluviaux 
    s'imprègnent des pluies et forment des nappes phréatiques souvent 
    plus riches que les précédentes, d'où très fréquemment, 
    près des métairies, la présence de deux puits: l'un situé 
    près de la maison d'habitation, l'autre construit au bas de la colline 
    et utilisé en secours l'été lorsque le premier donne 
    des signes de faiblesse.

Le canal du 
    Midi :
    
    Impossible, bien sûr, d'évoquer l'eau en Lauragais sans parler 
    du Canal du Midi. Propriétaire d'un domaine agricole et ayant vécu 
    à Revel pendant 10 ans, Riquet connaissait bien le problème 
    de l'eau dans notre région. Il a ainsi aménagé sur les 
    bords du canal de très nombreux abreuvoirs, pour les animaux (je les 
    ai vu fonctionner en 1947-1950, lors de sècheresses catastrophiques) 
    ainsi que de nombreux lavoirs, comme celui de Montgiscard, très bien 
    conservé.
    Des rivières puissantes coulant hors Lauragais :
    La Montagne Noire, au dessus de Revel, reçoit 800 à 1500 mm 
    d'eau par an. Le Sor est très puissant, le Fresquel également, 
    alimenté par les torrents qui viennent confluer sur la rive gauche 
    : le Tenten, le Lampy, la Bernassonne, le Rieutort.
    Au sud l'Hers vif, l'Ariège apportent de l'eau abondante même 
    en été, dans la plaine de Calmont - Pamiers de puissantes nappes 
    phréatiques sont disposées sous plusieurs mètres de sables 
    et de cailloutis quaternaires ( disposées là lors de la fonte 
    des glaciers quaternaires).
    III) La révolution de l'eau 
    
    Après 1950, des intiatives multiples prises par les pouvoirs publics 
    (génie rural + l'État), les Conseils Généraux 
    et les Communes, s'attaquent au problème du manque d'eau dans le Lauragais. 
    Des Syndicats interdépartementaux et communaux se constituent comme 
    par exemple l'Institution interdépartementale de la Montagne Noire, 
    le Syndicat des coteaux Hers-Ariège ou encore des syndicats autour 
    de Castelnaudary ou de Bram. Les premiers travaux s'orientent vers la constitution 
    de réserves avec la construction de barrages et la formation d'énormes 
    lacs de retenue. Le premier barrage est celui des Cammazes, construit en 1957 
    sur le Sor, qui permettra d'assurer la consommation de dizaines de millions 
    d'habitants dans trois départements (Haute-Garonne, Aude et Tarn). 
    Puis le spectaculaire barrage de la Ganguise, entre Salles sur l'Hers et Castelnaudary, 
    avec d'immenses réserves pour l'eau potable mais aussi, et surtout, 
    pour l'irrigation et l'arrosage de milliers d'hectares dans la plaine de Castelnaudary-Bram. 
    Vers le Sud, sur l'Hers vif, le barrage de Montbel qui date des années 
    70, et son immense lac de 400 hectares retient 60 millions de mètres 
    cubes. Il est relié à la Ganguise. Des stations de pompage sont 
    mises en place sur le Fresquel, l'Hers vif, l'Ariège. Les réseaux 
    de distribution sont mis en place jusqu'en 1970 et les sommets des collines 
    du Lauragais se hérissent de dizaines de réservoirs. À 
    côté des clochers murs de nos églises, ces constructions 
    parfois hideuses, sont les signes matériels et incontournables de cette 
    "révolution de l'eau". Dans les zones arrosables, la sécheresse 
    estivale est vaincue et les rendements des cultures font un bond spectaculaire. 
    Dans les métairies, des abreuvoirs automatiques assurent une distribution 
    sûre aux bovins. Dans les habitations apparaissent des toilettes, des 
    salles de bains, des machines à laver. Dans certaines communes, le 
    "tout à l'égoût" est également une révolution. 
    L'eau sous pression permet enfin la construction de maisons neuves et l'essor 
    démographique du Lauragais commence vers les années 1965-1970. 
    Les progrès économiques sont étroitement liés 
    à ces bouleversements avec la création de zones industrielles 
    et l'installation de grosses entreprises : Labège Innopole, zones de 
    Castelnau-dary et Revel.
En 1999, l'eau 
    ne pose plus de problèmes quant à la quantité. Par contre, 
    on s'interroge de plus en plus sur sa qualité avec des phénomènes 
    de pollution de causes multiples. Les préoccupations de l'environnement 
    sont de plus en plus présentes dans notre vie quotidienne.
     
  
Jean ODOL
    
Couleur Lauragais N°15 - Septembre 1999