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Balade de Naurouze à Revel "
Naurouze figure sur toutes les cartes de France souvent accompagné de la formule « Seuil du Lauragais » : c'est ainsi que les petits français abordent la connaissance du Pays de Laurac. Nous sommes sur une ligne séparant les bassins versants du Fresquel dont les eaux s'écoulent vers la mer Méditerranée et celui de petits ruisseaux allant vers le Marès, l'Hers Mort, et l'Océan Atlantique. L'obélisque élevé à la mémoire de Riquet, est à peu près exactement sur le seuil de partage, à 190 m. Il repose sur les fameuses Pierres de Naurouze (des poudingues) dont parle Nostradamus. Les deux Pierres sont séparées par une profonde cassure (une faille) qui peu à peu diminue de largeur : selon les prédictions, la fin du monde arrivera lorsque les pierres se rejoindront... A Naurouze, le canal est à son point le plus élevé. C'est ici que Riquet a découvert la clef de son fonctionnement en conduisant au bief de partage, par la rigole, les eaux des torrents de la Montagne Noire (ces eaux étant largement plus hautes que le canal). Riquet construisit des barrages très simples sur l'Alzeau, la Bernassonne, le Lampy, le Rieutort, et les eaux canalisées dans la Rigole s'écoulent jusqu'à Naurouze. Il faut voir, l'arrivée de la Rigole avec une petite chute qu'avait prévue Riquet pour faire fonctionner un moulin, qui d'ailleurs est toujours là, sous la forme d'une minoterie. Montferrand Quittons
Naurouze pour visiter Montferrand, modeste village mais qui a hérité
d'un très riche passé. Au niveau de l'église Saint
Pierre d'Alzonne passe la via aquitania, la célèbre voie
romaine reliant Narbonne à Toulouse qui a permis le développement
d'une aggloméra- tion : Élusiodunum. La voie a été
construite et empierrée au Ier siècle avant J-C, les Romains
s'installant à Toulouse en 118 avant J-C. Vers l'Est, se trouvent
deux autres villes : Sostomagus (Castelnaudary), Eburomagus (Bram) et
vers l'Ouest, Badera (Baziège). De la ville, il reste des thermes
(des bains) que l'on peut observer avec les trois piscines traditionnelles
et le chauffage en sous-sol. A côté des thermes, une basilique
paléo-chrétienne du IVème siècle, la plus
ancienne de tout le Midi de la France. Elle correspond aux débuts
du christianisme dans la région toulousaine et en Lauragais.
La nouvelle religion venant de Narbonne apparaît au IIIème
siècle après J.C. L'église, de petites dimensions,
présente trois nefs et a servi ensuite de cimetière comme
l'atteste la quarantaine de sarcophages dégagés.
Poursuivons notre balade en direction d'Avignonet. On peut voir de très beaux restes de murailles du XIIIème siècle ; également la place Raimon d'Alpharo où s'élevait le château comtal et où furent assas-sinés, en mai 1242, les Inquisiteurs et leur suite, faisant 11 victimes. Le groupe de chevaliers qui avait opéré l'exécution était descendu de Mont-ségur, la citadelle cathare inviolée où s'étaient réfugiés les évêques de la religion évangélique. Raimon VII avait organisé l'opération qui était le signal convenu d'un vaste soulèvement du Midi de la France contre le roi Louis IX (Saint Louis) dont la domination était contestée. La coalition, autour du comte de Toulouse, comprenait tous les grands féodaux, le comte de Foix, le comte de la Marche, le roi d'Angleterre. Le soulèvement échoua, l'armée royale mit le siège autour de Montségur qui capitula le 16 mars 1244.
Filons maintenant vers Mont-maur. Contre l'église, quelques stèles discoïdales et surtout un énorme château fort du XVIème siècle avec des bouches à feu. C'est un splendide château du pastel c'est à dire construit avec des capitaux issus de la production et du commerce du pastel. Aux Cassès, encore des stèles avec une des plus célèbres, le personnage archaïque appelé le Christ des Cassès. Il faut parcourir 500 mètres, sur un chemin, à l'Est du village, pour atteindre le Fort, emplacement d'un château entièrement disparu. Ici s'est déroulé l'un des épisodes les plus célèbres de la Croisade. Après Lavaur, Simon de Montfort s'empare des Cassés et brûle une soixantaine de Parfaits cathares. Les Cassès est un des épisodes brûlants de la sanglante Croisade contre les cathares (1209-1229). Il faut voir encore les restes de la chapelle au couvent des clarisses et quelques très belles fenêtres gothiques du XIVème siècle.
A Saint Félix, nous abordons un village d'une richesse historique et architecturale incomparable. Tout d'abord c'est le lieu de naissance d'un très grand compositeur et musicien : Déodat de Séverac, dont on peut voir la maison sur la place. Il est l'égal de Ravel et de Debussy. Dans le domaine de l'histoire, St Félix est le berceau des quatre évêchés cathares nés en 1167 (Agen, Toulouse, Albi et Carcassonne), au sein d'une assemblée de plusieurs centaines de Parfaits présidée par un dignitaire venu de Constantinople, Nicetas. Il faut voir ensuite l'énorme château du XIVème siècle : une forteresse dominant toute la plaine jusqu'à Revel et la Montagne Moire. Il a été construit par un frère du pape d'Avignon, Jean XXII. Enfin, il faut voir l'immense église collégiale, du gothique toulousain (nef unique, chapelles entre les piliers). Pour visiter et voir les bijoux architecturaux de Saint Félix, je vous conseille de téléphoner pour avoir un guide, particulièrement compétent, à l'Office du Tourisme.
Saint Félix
est une très belle bastide, moins vaste cependant que celle de
Revel qui est de création plus tardive (1342)*. Une bastide est
une ville nouvelle construite généralement dans une forêt
par l'autorité du Roi de France, avec un plan d'urbanisme préétabli
: on dessine sur le sol des rues bien droites, une place (une bastide
est toujours un marché), l'emplacement d'une église, une
halle, des galeries couvertes (les garlandes), des murailles, des portes.
Une bastide est aussi une forteresse avec une garnison royale administrée
par un officier royal (le bayle) et des consuls. La balade que nous vous avons proposée exige une bonne journée. Le Lauragais en comporte des dizaines qui vous permettront de découvrir les charmes méconnus du pays de Laurac. Jean ODOL * La dernière était Labastide d'Anjou en 1376.
Couleur Lauragais N°15 - Septembre 1999 |