Au Moyen-Age, il existait un intense trafic de Narbonne en direction de Toulouse, et qui suivait l'antique voie romaine : la voie d'Aquitaine (via aquitania). À l'origine de ce trafic, le sel, produit indispensable à la vie humaine comme à la vie animale, très utilisé à l'époque notamment pour saler la viande de porc. Couleur Lauragais aborde aujourd'hui ce sujet important dans le développement de notre région.
La route du
sel
Les Romains s'installent à Narbonne puis à Toulouse en 118
avant
Jésus-Christ et l'un de leurs premiers travaux est la construction
d'une route empierrée. Ce sera pour des siècles la seule et
prestigieuse route du Lauragais. Au Moyen Age, on l'appelait « le cami
ferrat », ce que l'on peut traduire par dur comme du fer, une route
solide et utilisable en toute saison. Le tracé correspond en gros à
celui la RN 113 d'aujourd'hui de Toulouse à Castelnaudary, puis elle
passait par Pexiora, Bram, Carcassonne (l'actuelle D33). Des cités
se développent autour de cet axe de communication : Bram (Eburomagus),
Castelnaudary (Sostomagus), Saint Pierre d'Alzonne, Montferrand (Elusiodunum),
Baziège (Badera).
Un marché à Elusiodunum
Les travaux récents d'un historien concluent que Saint Pierre d'Alzonne
s'appelait, vers l'an 1000, l'Estap, avec un marché au sel . Il s'agit
d'une agglomération aujourd'hui disparue au pied de la colline de Montferrand
où l'on a dégagé des thermes, une basilique paléo-chrétienne
du IVème siècle et un antique cimetière contenant une
quarantaine de sarcophages.
Le marché de l'an 1000 à Baziège.
L'existence d'un tel marché nous est révélée par
huit textes transcrits dans un cartulaire (recueil de chartes) de Saint Sernin
de Toulouse. Parmi ces documents, on relève la charte de donation du
marché de Baziège au monastère Saint Sernin par le seigneur
de Caraman, en 1005. Baziège, bien située près d'un gué
sur l'Hers, est alors un carrefour de routes médiévales où
aboutissent deux voies romaines dont l'une correspond à la route de
Labège-Montaudran . D'autres routes vont vers Caraman, Gardouch, Nailloux,
la vallée de la Hize jusqu'à Venerque ou encore la plaine de
l'Ariège.
Au cours du Xème siècle, les seigneurs de Caraman sont, par
délégation, investis du pouvoir d'instituer un marché
au sel à l'endroit de leur choix, à condition que cela soit
sur la section de l'ancienne voie romaine entre l'Estap et les murs de Toulouse.
Cette autorisation est très rare à une époque où
le pouvoir royal est en pleine décomposition et où, partout,
les seigneurs deviennent indépendants. En 1005, ce marché est
cédé au monastère Saint Sernin.
Le Salinum
de Baziège
Le Salinum de Baziège se tient d'abord au bord de la route. Au XIème
siècle, des mesures sont prises contre les marchands goths dont les
ânes ont commis des dégâts aux moissons avoisinant la voie.
On peut d'ailleurs se demander pourquoi le transport est effectué avec
des ânes et non avec des chevaux et surtout des mulets. La raison en
est simple : l'âne transporte une charge importante (80 à 100
kg) et surtout il est très rustique, se nourrissant seulement de l'herbe
qui pousse près de la « via aquitania ». Rustique, mais
pas indifférent et il importe bien sûr de ne pas le tenter avec
des cultures plus appétissantes.
En 1123, il est question d'un salin (salinum) sur lequel le seigneur Guilhabert
de Laurac perçoit des taxes (la leude) qu'il a augmenté. Le
marché se déroule trois jours par semaine. Puis en 1145, il
devient quotidien et il s'installe à l'intérieur de la ville,
le long de la grand rue (la carriera major) et près d'une porte dans
deux bâtiments spécialement affectés au commerce du sel.
Un marché
très convoité
Les taxes perçues sur le sel devaient être d'un très gros
rapport ce qui explique les conflits qui éclatent parmi les bénéficiaires.
Ces derniers sont notamment le monastère Saint Sernin de Toulouse,
le seigneur Guillaume de Baziège mais également l'illustre comte
de Toulouse lui-même qui taxe illégalement les revendeurs de
sel. D'après cet épisode, il semble que les marchands goths
apportent le sel puis que des revendeurs procèdent à la redistribution.
Le comte Guillaume IX d'Aquitaine (qui occupe temporairement Toulouse et qui
est aussi le premier troubadour) rétablit une taxe qu'il donne ensuite
à son vassal : Guilhabert de Laurac. Les familles seigneuriales les
plus puissantes de Toulouse et du Lauragais s'intéressent donc à
Baziège, ce qui traduit bien l'importance de transactions devenues
quotidiennes.
La route du sel est utilisée jusqu'au XVIIIème siècle,
date à laquelle on perçoit à Baziège des taxes
sur le sel qui traverse la cité. Mais on proteste contre la faiblesse
des revenus car les barques du canal du Midi ont alors accaparé le
trafic.
L'époque de la route du sel a contribué à la définition
des tout premiers axes de communication du Lauragais et constitue donc un
des temps forts de notre belle région.
Jean ODOL
Bibliographie
:
Pierre GÉRARD : « Le marché de Baziège »
- 1961.
Couleur Lauragais N°14 - Juillet/Août
1999