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Balades dans la Montagne Noire "
Aux limites du Lauragais, la montagne Noire, massive et
presque
inquiétante, recèle de nombreux attraits : Couleur
Lauragais vous en révèle quelques uns dans ce numéro.
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Première
question que certains d'entre vous se sont déjà peut-être
posée, pourquoi Noire ? Pour deux raisons principales. C'est
d'abord
une montagne avec d'immenses forêts qui donnent, vue de loin,
une teinte très sombre au paysage. Ce qualificatif tient aussi
à des roches noirâtres (schistes) qui affleurent fréquemment.
Introduction géographique
La montagne Noire, entourée de plaines, a une altitude moyenne
comprise entre 600 mètres à Saint-Ferréol et 1200
mètres au Pic de Nore. C'est un massif d'âge primaire,
une partie du vaste ensemble montagnard appelé le Massif Central
français. C'est une sorte de finistère qui s'enfonce
vers l'Ouest sous la mer des plaines et des collines du Lauragais.
Un
gigantesque dos de baleine qui fait 70 km de long d'Est en Ouest, avec
un versant Nord en pente très raide, le résultat d'un
système de cassures (ou failles) et un versant Sud en pente
très
douce appelé la pénéplaine du Cabardès.
Les rivières ont entaillé le massif par des vallées
et des gorges très profondes et très étroites.
Au Nord la vallée du Sor qui est un affluent de l'Agout, ou
les
gorges de l'Arnette. Au Sud une série de torrents, l'Alzeau,
la Bernassonne (la rivière de Saissac), le Lampy, le Tenten,
tous affluents du Fresquel qui se jette dans l'Aude vers Carcassonne.
Le climat
de la Montagne Noire est très humide (1000 à 1500 mm d'eau
par an vers Saissac) et cela donne un vaste château d'eau où
naissent de multiples torrents très abondants.
Cette montagne est un monde merveilleux pour les botanistes qui découvrent
une flore d'une richesse exceptionnelle depuis la vigne et l'olivier
du côté de Montolieu aux prairies alpines du pic de Nore
en passant par tous les étages montagnards. Le manteau forestier
est composé de deux parties bien différentes : à
la forêt naturelle et paysanne traditionnelle (composée
de chênes, hêtres, châtaigniers), s'ajoutent des peuplements
artificiels de conifères et de résineux (sapins, épicéas,
douglas, pins noires). Quelques forêts sont peuplées d'arbres
multi séculaires : celle de Ramondens, de la Loubatière
(pays des loups) ou encore celle de l'Aiguille près des Cammazes.
La visite démarre au Conquet
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Pont dans la montagne noire |
Depuis Saint-Ferréol prenons la route des Cammazes puis à
gauche nous allons au Conquet, un lieu bien précis sur la Rigole
de la Montagne. Cette rigole est un petit canal (un canalet) construit
par Pierre-Paul Riquet vers 1665 pour alimenter en eau le canal du Midi.
Depuis la prise d'Alzeau, les eaux de la Rigole cheminent jusqu'à
Naurouze au point le plus haut du canal. Au Conquet, une tranchée
dans laquelle se glisse le canalet est la clef du système d'alimentation
en eau. C'est ici qu'éclate le génie de Pierre-Paul Riquet,
car lui seul connaissait les lieux d'une façon aussi parfaite
pour creuser cette tranchée fameuse. Il prend les eaux des torrents
qui s'écoulent naturellement vers le Sud (donc vers la Méditerranée)
et, au Conquet, par la tranchée, les eaux changent de versant
et s'écoulent vers le versant Nord (en direction du Sor ou du
bassin de Saint-Ferréol).
La prise d'Alzeau
Depuis Saissac et Saint Denis (une bastide), on gagne le village de
Lacombe, le hameau de la Galaube et la prise d'Alzeau. Ici un barrage
sur l'Alzeau est le point de départ de la Rigole (qui fait 60
km jusqu'à Naurouze). Le barrage était constitué
par un empilement de poutres retenues par des chaînes permettant
ainsi d'augmenter sa hauteur selon les besoins. En cas de crue violente,
on enlevait les poutres qui, retenues par les chaînes ne pouvaient
pas dériver. Les lieux sont particulièrement pittoresques
: torrent impétueux, arbres splendides et sapins près
de la maison du garde.
Le village d'Arfons
Depuis la Galaube une route forestière traverse une région
célèbre : Ramondens, qui, au Moyen Age (vers 1340) appartenait
au monastère de moniales de Prouille fondé par Saint Dominique
au pied de Fanjeaux. La grange de Ramondens fournissait du fer (il y
avait des mines à proximité), du bois, des boeufs (élevage
naisseur) à Prouille. Arfons est un petit village de montagne
très pittoresque, au rude climat. Il faut particulièrement
voir les « lauzes » , plaques d'ardoise qui recouvrent les
murs des maisons et du clocher de l'église pour les protéger
de la pluie et du vent. Arfons est une « sauveté »
(village créé de toutes pièces) sous la sauvegarde
des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Le village s'appelait
Orfons jusqu'au XVIème siècle, en raison de l'abondance
des sources (ara fontium = bouche de sources). Au XVème siècle,
une bande de brigands s'y installa et lança des expéditions
de pillage vers le bas pays. Jusqu'au siècle passé, ces
hautes terres où les loups, attirés par les moutons, rôdent
autour du village, sont restées très peuplées.
Mais depuis, elles ont perdu presque toute leur population (200 habitants
à Arfons). Dans un élevage avicole, nous avons relevé
une race de poules, les gauloises blanches, race rustique « vieille
de quatre siècles » et peut être la race des poules
du Lauragais
Des Cammazes à Roquefort
Près des Cammazes, autre village montagnard, au climat aussi
rude nous trouvons la célèbre « voûte de Vauban
». C'est une galerie, une sorte de tunnel de 120 m de long dans
laquelle se glisse la Rigole de la Montagne et qui, par l'intermédiaire
du Laudot, atteint le lac de Saint Ferréol. C'est Vauban, l'ingénieur
des fortifications de Louis XIV qui fit construire cette voûte
qui porte son nom.
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Vallée
du Sor
Vue sur le barrage des Cammazes
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Aux Cammazes,
prenons la route si pittoresque qui
descend vers Durfort (D 44) en suivant la vallée et les gorges
du Sor. Trois kilomètres après Durfort, une tour ruinée
émerge au dessus de la forêt : c'est le château de
Roquefort, un des hauts lieux du catharisme en Lauragais. Une puissante
famille cathare a vécu là pendant des siècles,
avec Guillaume de Roquefort qui assassina l'abbé de l'abbaye
d'Eaunes (Ordre de Citeaux, près de Muret). Ses trois frères
étaient Parfaits, un autre, évêque catholique de
Carcassonne et son beau frère Pierre Isarn était évêque
cathare du Cabardès (à ce titre brûlé devant
le roi Louis VIII en 1226 à Caunes Minervois). On peut aussi
évoquer Jourdain de Roquefort, Croyant cathare, familier du Comte
de Toulouse Raimon VII et qui se fait inhumer dans l'abbaye bénédictine
de Saint Papoul.
Durfort, point final de notre visite
Le travail
du cuivre (ou dinanderie) est surprenant car il n'y a pas
de minerai
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Une
rue de Durfort
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de cuivre
dans la région. Au Moyen-Age et surtout
au XIVème siècle, comme dans tout le Lauragais, c'est
la fabrication des draps de laine qui constitue la principale activité économique : actionnés par le Sor, de nombreux moulins
foulons permettaient le dégraissage de la laine et la préparation
des draps. Le travail du cuivre succède à la fabrication
textile selon un itinéraire mal connu, peut être par les
échanges privilégiés qui ont lieu avec le Rouergue
où le travail du cuivre était florissant au Moyen-Age.
Au XVIème siècle on mentionne onze martinets autour de
Durfort. Les casseroles en cuivre ne sont aujourd'hui plus guère
utilisées et Durfort s'est désormais tourné vers
l'artisanat d'art.
La Montagne
Noire est vraiment un lieu privilégié pour les balades
estivales, sous les hautes fûtées des arbres et avec la
fraîcheur complice des nombreux points d'eau.
Jean ODOL
Couleur
Lauragais N°13 - Juin 1999
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