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Couleur Lauragais : les journaux

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" La carillonneuse de Fanjeaux "

Couleur Lauragais rend aujourd'hui visite à la carillonneuse de l'église de Fanjeaux, l'une des dernières églises du Lauragais qui possède des cloches non électrifiées. Claudette Goueilhé nous ouvre les portes de l'église et nous raconte la tradition de la sonneuse de cloches.

Claudette au clavier

L'histoire de Claudette Goueilhé a très tôt été placée sous le signe des clochers et des carillons. En effet, en 1942-43, pendant la seconde guerre mondiale, des ouvriers réparent l'église de Fanjeaux. Les parents de Claudette habitent juste en face de l'église et la petite fille, alors âgée de six ans, suit de très près les travaux. Déjà fascinée par le clocher, elle demande souvent de pouvoir y monter. Les ouvriers, amusés, la mettent alors dans un seau à ciment et la grimpent ainsi jusqu'au sommet. Claudette conserve encore aujourd'hui un souvenir très fort de cette « ascension ». Quelques années plus tard, le carillonneur de l'époque décède et c'est le père de Claudette qui prend la relève. La petite fille a grandi et suit souvent son père dans le clocher. C'est donc tout naturellement qu'elle reprend sa suite, le 1er janvier 1959.

« Pour jouer du carillon, explique Claudette, il faut juste avoir une bonne oreille et connaître le solfège pour suivre les partitions ». Il s'agit ensuite de transposer les morceaux sur le carillon, qui ne peut produire que des gammes relativement limitées, sans dièse ni bémol et sur un seul ton. L'église de Fanjeaux possède tout de même dix cloches qui permettent à la carillonneuse de reconstituer l'ensemble de la gamme : une seule cloche pour chacune des notes do, ré, mi, fa, et deux pour sol, la et si.

Ces cloches ont toutes été conçues en 1820 par deux anciennes fonderies toulousaines, Victor Decharme et Vinel Frères. L'une d'entre elles a cependant été refondue en 1900. Chaque cloche est accordée grâce à un mélange spécifique de bronze et d'argent qui lui donne sa sonorité particulière. Certaines peuvent même produire deux sons grâce à deux battants d' un alliage différent. Leur diamètre intérieur varie de 42 à 95 centimètres.

Cloches vues de dessous
La mise en place des cloches était l'occasion d'une cérémonie à laquelle participait l'évêque. Un parrain et une marraine étaient désignés, et ceux-ci donnaient leur nom à une cloche lors d'une cérémonie religieuse et festive à la fois. L'une des cloches porte ainsi l'appellation « Henri Charles Ferdinand Marie-Dieu, Duc de Bordeaux, fils de France », du nom d'un célèbre notable de l'époque qui avait refusé de prendre les couleurs de la République ; une autre, datée du 21 septembre 1819, porte le nom de « Louise Marie Thérèse d'Artois de France »; une autre encore a pris le nom prestigieux de « Duc de Vendôme ».

Aujourd'hui, les cloches continuent à rythmer la vie de la cité audoise. La carillonneuse sonne les cloches pour chaque office, lors des cérémonies particulières telles que les communions, les mariages, les enterrements et à l'occasion des grandes fêtes annuelles.
« Les cantiques joués, souligne Claudette, conservent tous une connotation religieuse traditionnelle en suivant très précisément la liturgie. Chaque jour de la semaine représente ainsi une célébration particulière : Saint Joseph le mercredi, le sacré-coeur le vendredi ou encore la Vierge le samedi ».

Il y a aussi les fêtes, moments forts de l'année. Le 15 août, c'est la fête annuelle de Fanjeaux où l'on joue traditionnellement l'« Ave Maria » de Mounet. Le 16 août, les cloches sonnent pour célébrer Saint Roch, accompagnant une procession costumée durant laquelle on sort les précieuses reliques de l'église. Du 16 au 25 décembre, on sonne « Nadalet » : tous les soirs, les cloches retentissent, jouant des « hymnes de l'Avent » et des cantiques de Noël, comme le voulait une ancienne coutume.

Claviers rattachés aux cloches par des fils de fer
Claudette nous invite ensuite à monter dans le clocher. Un escalier étroit en colimaçon, de près de quatre-vingt marches, nous y conduit. Au sommet, on arrive dans une petite pièce où l'on peut observer le très ancien mécanisme de l'horloge de l'église. On y découvre également le clavier du carillon fait de larges touches en bois, reliées par un gros fil de fer aux battants des cloches. Debout devant le clavier, Claudette se met en position et entame l'Angélus du soir. Carillonner demande une certaine énergie pour que les lourdes et imposantes cloches se meuvent, mais Claudette nous assure que c'est avant tout une question d'habitude.

Les cloches de Fanjeaux continuent ainsi de perpétuer une très ancienne tradition tout en égrenant les événements, heureux ou malheureux, de la commune.

P. RASSAT / J-M. FAGET


Couleur Lauragais N°11 - avril 1999