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Balade du côté de Montgiscard "
Le canton de Montgiscard réunit 20 communes (1), avec 2 bourgs
importants, Montgiscard et Baziège, comptant chacun 2 000
habitants. Avec ses 6 000 habitants (estimation de 1999), ce n'est
que très récemment qu'Escalquens est devenue l'agglomération
la plus importante du canton.
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Montgiscard, une très longue histoire
Traversé par la voie romaine d'Aquitaine, le bourg domine et
contrôle la gouttière de l'Hers, face à Baziège
la gallo-romaine qui contrôle la partie Nord de cette gouttière.
C'est entre ces deux villages que la voie traverse la vallée
marécageuse, sur des ponceaux (petits ponts, ou pountils en occitan,
RD 24). Montgiscard est peut-être une bastide (2) du XIIIème
siècle, comme l'affirment certains historiens. Ce sont les Rois
de France qui fondèrent ces bastides dont ils étaient
les seigneurs. Après la disparition du dernier comte de Toulouse
Raimon VII, ce fut pour lui le moyen de rattacher le Lauragais au domaine
royal et d'établir sa puissance sur le Pays de Laurac alors éminemment
terre cathare. Aux XIIème et XIIIème siècles, la
région de Montgiscard fut dominée par le seigneur Maffre
de Belbèze dont le château se trouvait au lieu dit «
en Dardé » . En 1211, Maffre passe du côté
de Simon de Montfort. Raimon VI s'empare de Montgiscard et rase la cité
ainsi que l'oratoire de Notre Dame de Roqueville.
Un
peu plus tard, en 1355, Montgiscard fut incendiée par l'expédition
anglaise du Prince Noir. Venus de Bordeaux, ces hommes traversent la
Garonne à Portet, débouchent à Castanet, ravagent
le Lauragais et font flamber 500 villages et bourgs jusqu'à Narbonne.
Un chroniqueur qui suivait le Prince Noir nous apprend que de nombreux
moulins à vent entouraient Montgiscard et que la ville était
fortifiée « avec des murs de terre couverts de chaume
(paille) ».
Pendant
les années révolutionnaires, Montgiscard a également
été un important centre de rassemblement pour les insurgés
royalistes de 1799.
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Clocher
de Montgiscard
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A
cette date, au faubourg de Cers, des combats sanglants
opposent les Lauragais royalistes aux républicains venus de
Toulouse.
L'église de Montgiscard est célèbre par son clocher
mur avec tourelles, l'un des plus typiques du Lauragais.Il date du
XVIème siècle, pendant la
belle époque du pastel (1460-1562), mais a été
reconstruit vers 1890. Il est l'oeuvre de Nicolas Bachelier, un maître
maçon célèbre de Toulouse.
À
la découverte de Notre Dame de Roqueville
Au Sud
de Montgiscard, nous abordons deux lieux célèbres : d'abord
un haut lieu catholique, la chapelle de Notre Dame de Roqueville ; ensuite,
un haut lieu cathare, l'emplacement supposé du château
de la famille des Roqueville (3). L'église date de 1820 mais
le pèlerinage consécutif aux miracles remonte aux XIIème
et XIIIème siècles. C'est un des hauts lieux spirituels
du Lauragais et, d'après l'abbé Duffaut (4), Saint Dominique
y serait venu. L'apogée du pèlerinage semble être
atteinte au XVIème siècle lorsque la région est
ravagée par la peste et que la Vierge de Roqueville protège
les populations contre le terrible fléau (la dernière
épidémie de peste date de 1653).
Au XVIIème siècle, Roqueville devient un très important
centre de missionnaires qui rayonnent dans tout le pays, et un groupe
de poètes y voit le jour. Ils composent des poèmes religieux,
des cantiques dûs en grande partie à Barthélémy
Amillat dont les oeuvres en occitan seront chantées dans les
églises de l'Ariège jusqu'en 1914.
Une
puissante famille cathare
A l'Ouest
de la chapelle, l'actuel château de Roqueville (propriété
privée), se trouverait sur l'emplacement d'une très ancienne
forteresse, aujourd'hui disparue, et détenue par la puissante
famille des Roqueville. Ils étaient les seigneurs d'un immense
domaine comprenant les actuelles communes de Pouze, Belbèze,
Ayguesvives et Montgiscard. Cette grande famille noble est cathare,
comme l'est d'ailleurs à cette époque, toute l'aristocratie
lauragaise. En son sein, une femme est célèbre : Alazaïs,
mère de 6 garçons appelés « les frères
de Roqueville ». Alazaïs reçoit le consolament (5),
c'est donc une Parfaite. Elle sera brûlée à une
date mal précisée. Ses fils luttent à mort contre
l'Église, les Croisés et le Roi de France. Certains sont
Parfaits et, quand ils sont vaincus, ils perdent leur patrimoine. Ils
sont « faidits » (bannis) et terminent leur vie en Lombardie
(Italie). Ces hommes représentent le symbole de cette noblesse
cathare lauragaise d'avant 1209, qui est dépossédée
de ses biens par la Croisade contre les Albigeois, avant que leurs terres
ne passent aux mains du Roi.
Aux environs de Montgiscard, on trouve Badera (Baziège), la gallo
romaine, avec sa voie romaine, sa borne milliaire datant du IIIème
siècle après J.C dans l'église, et ses puits funéraires
près de l'actuel cimetière. Autre trait original, un puissant
marché au sel attesté dès l'an 1005. Le sel arrivait
de Narbonne porté par des ânes et le marché se tenait
tous les jours dans un bâtiment spécial (un salinum). Parmi
les grands bénéficiaires des taxes levées sur ce
marché, nous trouvons le comte de Toulouse, mais aussi la famille
des seigneurs de Laurac dont l'influence arrivait jusqu'ici. Ayguesvives
possède aussi une borne milliaire, une cloche du pastel de 1521
ainsi qu'un très beau et très pur clocher mur pignon.
Au Nord de Montgiscard, Fourquevaux est connue grâce à
une autre Parfaite célèbre : Marquésia Hunaud de
Lanta, brûlée à Montségur le 16 mars 1244.
Partout, nous nous heurtons à des souvenirs cathares. Montgiscard
c'est aussi là où vécut Jean-Paul Laurens, le peintre
vedette auquel nous consacrerons une prochaine étude.
Jean ODOL
(1)
Le canton de Montgiscard est coupé en deux parties par la
vallée de l'Hers mort. Au Sud du couloir central, se trouvent
Belbèze, Ayguesvives et Montgiscard en arrière desquels,
en descendant vers la vallée de la Hize, on arrive à
Pouze, Issus et Noueilles. Un peu plus au Nord se situent Espanès,
Montbrun et Corronsac et au bord de la vallée principale
: Donneville, Deyme et Pompertuzat. Au Nord de l'Hers : Baziège,
Montlaur, Belberaud et Escalquens. Enfin, sur les collines qui
descendent
vers la Marcaissonne : Odars, Fourquevaux, Labastide Beauvoir et
les Varennes.
(2) Bastide : village créé de toutes pièces
avec un plan d'urbanisme préalable ;
(3) Jean Odol : « Études sur Roqueville » -
CCL
Nailloux - I992
(4) Abbé Duffaut : « Histoire de Roqueville » -
I903
(5) C'est l'unique sacrement |
Couleur
Lauragais N°11 - Avril 1999
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