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Balade du côté de Fanjeaux "
Fanjeaux
est aujourd'hui un petit village du Lauragais oriental. Un village peu
ordinaire et avec un passé d'une prodigieuse richesse que vous
présente aujourd'hui Couleur Lauragais.
Une promenade
dans les ruelles de Fanjeaux nous fait découvrir un haut lieu
dominicain avec la maison de Saint Dominique et le monastère
de moniales de Prouille, ou la belle chapelle du XIVème siècle
dans un autre monastère de dominicaines, en plein coeur du village.
Mais Fanjeaux garde aussi la trace des chevaliers cathares (avec la
rue des cavaliers ou plutôt chevaliers), le troubadour cathare
Guilhem de Durfort ou une rue juiverie. Une sculpture d'une tête,
de facture romane, est encastrée dans un mur face à la
mairie et mérite le détour.
Faisons un ici un peu d'histoire : Saint Dominique est curé de
Fanjeaux de 1206 à 1214. Ce castillan, né à une
cinquantaine de kilomètres au Sud de Burgos dans la haute vallée
du Douro, est issu d'une famille noble, de cette race farouche des colonisateurs
qui ont remis en valeur la région ravagée par la guerre
contre les musulmans. En 1206, rentrant du Danemark avec son évêque
Diègue d'Osma, Saint Dominique passe par Montpellier et décide
de rester en Occitanie pour combattre l'évangélisme cathare
et se battre avec les propres méthodes des Parfaits. Durant huit
ans, sans pompe et sans décorum, avec la seule besace du pèlerin
et la force de la foi, il sillonne le Lauragais, depuis Fanjeaux. En
1214, il quitte le village et fonde, à Toulouse, l'Ordre des
Dominicains. La maison où vécut Dominique est bien conservée,
avec une très belle cheminée vraisemblablement du XIIIème
siècle. A Prouille, au nord-est du village, Dominique a fondé
le monastère de moniales, un établissement pour d'anciennes
cathares ramenées à l'orthodoxie, qui existe toujours
aujourd'hui. L'église paroissiale aux dimensions impressionnantes,
située sur le point le plus haut de la colline, est un bel exemple
de gothique méridional (avec une relique célèbre
: la fameuse poutre relative au miracle du feu).
Fanjeaux
est encore un haut lieu cathare avec une noblesse totalement acquise
pendant l'hérésie avant
1209. Le comte de Foix, Raimon Roger, protecteur des hérétiques,
y séjournait fréquemment et c'est ici que sa soeur Esclarmonde
reçut le consolament en 1204. Le plus célèbre évêque
cathare Guilhabert de Castres en a fait sa résidence principale
avant de se retirer plus tard à Montségur. Pendant la
Croisade, Simon de Montfort lui-même en fait son quartier général.
Les troubadours ont longuement chanté, avec Peire Vidal, le château
de Fanjeaux : " Mos cors s'alegr' e s'esjau / Per lo gentil temps
suau / E pel castel de Fanjau / Que'm ressembla Paradis " (mon
coeur s'emplit de bonheur et de joie, à cause de la tendre saison
douce et à cause du château de Fanjeaux qui me semble le
paradis).
L'un de
ces troubadours, Guilhem de Durfort, est originaire du castrum. Il est
noble, co-seigneur et croyant cathare. Il nous a laissé un sirventès
dans lequel il fait l'éloge de son ami Guy Cap de Porc.
En quittant Fanjeaux, passez au hameau de la Hille où se dresse
un splendide pigeonnier. Vous atteindrez Laurac par de petites routes
très pittoresques.
Laurac le Grand est la capitale méridionale du Lauragais. C'est
depuis le Puy du Faucher qu'il faut saisir une vue d'ensemble du castrum
avec des maisons blotties autour de l'énorme église au
sommet de la colline. Partout de vieux murs dont l'un (le mur de Blanche)
évoque le souvenir de Blanche de Laurac, seigneuresse du lieu
et grande dame cathare du XIIème siècle.
Vers le sud-est, au cimetière de Fonters du Razès, il
faut voir la chapelle romane de Saint Cristol, avec de très belles
arcatures romanes. Autre monument roman : l'église fortifiée
de Cazalrenoux, sans ouverture, qui a d'énormes piliers renforts
et a été construite avec de gros blocs mal taillés.
A Gaja la Selve, plane le souvenir des chevaliers qui descendaient de
Montségur et couchèrent ici avant d'aller massacrer les
Inquisiteurs à Avignonet en mai 1242. Dans la vallée de
la Vixiège, se trouve la toute petite bastide de Ribouisse, une
fondation avortée. Sur la commune de Lafage, une chapelle des
Cazazils (est elle romane ?) avec un clocher original, un mur peigne,
comme celui de Plaigne. Enfin sur le territoire de la commune de Plavila
les restes d'une autre chapelle romane, au milieu des bois, celle d'Espinoux.
La haute vallée de la Vixiège vous ramènera enfin
à Fanjeaux.
Jean
ODOL.
Couleur
Lauragais N°7 - Novembre 1998
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