Couleur Lauragais porte ses pas dans un lieu un peu oublié du Lauragais, le château cathare de Roquefort, un endroit magnifique et riche d'une histoire de plusieurs siècles.
Arriver
à Roquefort est une gageure : pas de panneau fléché sur
la route indiquant un monument intéressant voire historique, pas de
sentier, et pour cause, pas de récupération commerciale. Nous
sommes dans un massif de fougères qui sépare le château
de Roquefort de la Montagne Noire, dans la vallée du Sor, entre les
Cammazes et Durfort. Devant nous, une porte romane, intacte. C'est la porte
du castrum. Ici, sous les claveaux intacts, en 1209, trois cents parfaits
cathares se sont réfugiés. Roquefort est l'une des puissantes
forteresses cathares de la Montagne Noire avec Saissac, Hautpoul, Cabaret
et plus loin vers l'Est, Minerve.
Les ruines permettent de distinguer deux parties : le château et un
village composé de toutes petites maisons. Les dimensions du château
semblent très modestes (environ 20x10 mètres), les murs en
sont très épais avec des parements de pierres soigneusement
taillées dans un mortier très dur. La cour, ou ce qui paraît
être une cour, est très petite. La tour appelée "
Tour du Diable " au XVIIIème siècle est certainement le
reste d'un donjon campé sur le pointement rocheux le plus élevé.
Le village permet de distinguer les fondations d'une quinzaine d'habitations
minuscules (3 mètres sur 3 ou 4 mètres sur 4 selon les cas).
Les murs sont en pierre sèche avec des blocs mal dégrossis
et
sans liant. Les toits étaient en lauzes de schistes et les débris
de ce type pullulent sur le sol. On devine une ruelle. Dans l'une de ces "cases",
l'ouverture carrée d'un silo se devine sous la végétation
mais la réserve à grains est aujourd'hui remplie d'eau. Ce
château
et castrum de Roquefort est le prototype même d'un castrum d'époque
cathare (XI, XIIème, XIIIème siècles). Des constructions
modestes qui sont comparables aux autres "château cathares"
(les vrais) comme Péreille, Ussan, Blanchefort, Rouffiac ou Camps,
petits nids d'aigle avec une tour faisant office de donjon. Rien à
voir par contre avec les forteresses royales que sont Montségur, Termes,
Peyrepertuse ou Quéribus.
Roquefort
apparaît
dans l'Histoire, vers la fin du XIème siècle. Il contrôle
la vallée du Sor pénétrant dans la Montagne Noire. En
1209, il devient un refuge pour les cathares fuyant les Croisés après
le massacre de Béziers. Le château tombe rapidement aux mains
de Simon de Montfort mais sans qu'il soit détruit. Quelques années
après, les Roquefort récupèrent leur forteresse. Vers
1260-1280, elle devient un relais sûr pour les Cathares qui partaient
se réfugier en Lombardie.
La guerre de Cent Ans donne à Roquefort un rôle original. Une
compagnie de routiers (brigands) s'y installe et pille le pays jusqu'en 1417.
C'est sur l'ordre du roi Charles VI que le castrum est détruit.
Plusieurs grands seigneurs ont vécu ici. Parmi eux, Guillaume est certainement
la personnalité la plus affirmée car il est le massacreur de
l'abbé d'Eaunes (une abbaye de Citeaux près de Muret). Il défend
le château de Termes en 1210 et il est tué au premier siège
de Toulouse (1211). Jourdain, son fils, est seigneur de Montgey et reçoit
le consolament sur son lit de mort. Il sera inhumé dans l'abbaye de
Saint Papoul. Bernard Raymond de Roquefort est évêque catholique
de Carcassonne.
Enfin Pierre Isarn, beau frère de Guillaume, est évêque
cathare du Cabardès et réside à Cabaret. Il sera arrêté
près de Caraman et brûlé à Caunes Minervois en
1226 en présence du roi Louis VIII.
Le castrum de Roquefort est un des hauts lieux du catharisme en Lauragais.
Tout ici est silence et méditation cathare. Une atmosphère étrange
règne en ces lieux, comme d'ailleurs à Montségur. Avec
un peu d'imagination, peut être entendrez-vous les cris des brigands
ou les sabots du cheval de Guillaume car un petit parfum d'histoire flotte
encore sur ce château.
Jean Odol
Couleur Lauragais N°4 - Juillet-Août 1998