Gens d'ici
" L'usine de Tissage FAURÉ et CLARON à Puylaurens "Du début du siècle aux années 60, la ville de Puylaurens (dans la partie tarnaise du Lauragais) a vécu au rythme de son usine de tissage. Les anciennes ouvrières vous racontent un demi -siècle d'activité dans le secteur textile.
Personnel de l'usine en 1935 (crédit photo : L. Farenc) |
La
fabrique de Puylaurens a commencé son histoire en produisant des bas
avant et pendant la première guerre mondiale. En 1920, la maison Fauré
et Claron, installée à Vabre dans le Tarn, rachète l'usine
et met en place une activité de tissage destinée à compléter
l'activité de confection déjà exercée par la maison
mère.
À la belle époque, pas moins de cinquante employés (des
ouvrières, un contremaître et un mécanicien) travaillaient
à Puylaurens dans l'usine de tissage, qui constituait alors la seule
industrie locale.
Les balles de
laine arrivaient le vendredi en provenance de Vabre. Trois étapes étaient
nécessaires pour passer de cette matière brute au produit fini
(des pièces de tissus de 49 mètres de long et de 1,5 mètre
de large).
Le travail commençait d'abord par les activités des ourdisseuses
et des caneteuses qui préparaient le fil.
Les ourdisseuses,
au nombre de 4, étaient chargées de préparer la chaîne
du tissu en assemblant parallèlement des fils d'égale longueur.
Cette chaîne était montée dans l'ourdissoir sur des rouleaux
en bois (ou ensouples) qui devaient par la suite être installés
sur les métiers à tisser pour constituer la longueur de la pièce.
Le travail d'ourdisseuse constituait la partie la plus pénible du tissage.
La laine était souvent de mauvaise qualité, parfois pourrie,
elle sentait mauvais. Les déchets étaient très nombreux
mais cela importait peu car la matière première n'était
pas chère à cette époque. L'ourdissage nécessitait
aussi beaucoup d'attention : il fallait constamment veiller à renouer
les fils qui se cassaient ; il fallait également vérifier que
l'ourdissoir réalise exactement sept tours pour obtenir des pièces
de tissu de 49 m de long.
Neuf caneteuses étaient chargées de réaliser les canettes,
petites bobines de fil destinées à constituer la largeur des
pièces de tissu. La machine qui enroulait les fils pouvait en contenir
six, avec la possibilité de mettre des couleurs différentes.
Liliane Sabatier devant |
Une
fois les ensouples (longueurs) et les canettes (largeurs) réalisées,
c'était au tour des tisseuses d'intervenir. Elles représentaient
la majorité des ouvrières de l'usine (autour de 35 tisseuses
étaient
employées). L'ensouple était placée derrière le
métier à tisser et la canette directement dans la navette du
métier. Le va-et-vient de cette navette permettait de croiser les fils
de ces deux bobines et de constituer la trame de la pièce de tissu.
Un battant resserrait la trame ainsi constituée pour lui donner son
aspect définitif.
La rentrayeuse intervenait ensuite pour pallier aux éventuels défauts
du tissus (souvent dûs à une rupture de fils). Son travail consistait
à refaire à la main les dessins sur une pièce. Le statut
de la rentrayeuse était un peu à part : ce travail était
en effet sous-traité à des personnes qui le réalisaient
à leur domicile.
Une fois les pièces terminées, elles étaient expédiées
à la maison mère de Vabre.
La
production
de tissus s'est arrêtée en 1961 mais des activités de
confection ont pris la suite jusque dans les années 80 (de 1965 à
1989, l'usine a ainsi produit des robes de chambre).
Les ouvrières gardent encore aujourd'hui le souvenir d'un métier
dur mais intéressant. Tout Puylaurens se souvient encore de l'odeur
caractéristique qui entourait la fabrique et dont on disait d'ailleurs
qu'elle imprégnait les vêtements de ses ouvrières.
Aucune activité textile n'a pris la suite de la confection. Les locaux
de l'usine sont aujourd'hui occupés par un serrurier. Puylaurens garde
néanmoins encore la trace de son passé textile et les anciennes
ouvrières avouent encore rêver, très régulièrement,
qu'elles sont devant leur métier à tisser.
Jean-Marc FAGET
Les
anciennes ouvrières de l'usine qui ont répondu à nos
questions sont :
Lili SABATIER, Lucette FARENC, Renée GUIRAUD, Odile VAYSSIÈRES,
Lili TRÉVISAN, Marie-Jeanne BIEZUS, Christiane BORDES-SIESS et Doria
PORTES-BAÏSSE.
Couleur Lauragais N°3 - Juin 1998